Mon Ange – intentions
Deux interprètes, un fauteuil cassé et un musicien nous parlent d’un homme qui dit JE et qui tente, par ce JE posé sur le papier, de recommencer à écrire.
De ces présences qui oscillent sans cesse de l’incarnation à la distance, naîtront la figure de cet homme perdu, au regard sans concession. Il raconte un univers de marge et de misère, vit une amitié qui le sauve et un amour qui le transfigure. Il est à l’extérieur du monde avant d’en redevenir partie prenante.
S’incarneront, par la force d’évocation de quelques chaises cassées et d’un théâtre gestuel et dansé des rapports violents, une lutte à la vie à la mort pour être libre.
À l’écriture collage de Rosales, répondra notre matière de plateau faite elle aussi de tuilages et de cuts. Gestes, danses, scènes réalistes, jeux avec les objets, seront autant de matériaux pour évoquer les rêves racontés, les rencontres furtives, les visions poétiques qui s’enchaînent au rythme haletant du roman.
C’est un théâtre où Fellini rencontrerait Cassavetes ; où les silhouettes cabossées et tendres du boarding home côtoient le mépris du propriétaire du lieu, la brutalité du gardien, l’indifférence de médecins complaisants, mais aussi la générosité d’un ami ou d’un patron de café, et l’immense fragilité d’une femme qui se révélera aussi artiste et amoureuse.
C’est un théâtre où du sépia dénudé d’un espace vide peut naître la couleur. Corps et objets deviennent une même matière, décalée et concrète à la fois, pour faire exister nos émotions de lectrices et passeuses.
Il y a nécessité vitale à écrire pour ne pas mourir dans Mon Ange, et cette nécessité, cette mise en danger nous renvoie à nous-mêmes. Une des dernières phrases du roman est une citation de William Blake : « La prudence est une vieille fille riche et laide que l’incapacité courtise. ». Nous-nous la répétons tous les matins.
Photos © Bruno Cabanis